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Noël et prison

Transmis par Hélène Dupont

Les sapins et lampions de fête illuminent nos villes à l'approche des fêtes. Fêtes? Pour qui ?

Noël et prison, par Hélène Dupont

Bien souvent Jacques Gaillot va célébrer Noël dans une prison, avec des sans abris ou d'autres démunis, exclus.  L'esprit de Partenia  nous invite non pas à bouder la fête quand elle est partage et rencontres chaleureuses mais à penser à ceux  dont la vie semble sans horizon.  Dans les prisons Noël reste un jour comme un autre malgré, pour les plus chanceux, l'arrivée de l'exceptionnel colis de 5kg, parfois réparti entre décembre et janvier, autorisé dans cette période. Une célébration catholique est souvent proposée le 24 décembre ou le matin du 25 mais elle ne concerne pas tout le monde. Même pour ceux qui retrouvent ces jours-là le souvenir de leurs traditions, de leur enfance, c'est juste un bref moment d'émotion. Feu de paille.  Noël ? L'annonce d'une promesse, d'un avenir... Quel avenir pour celui qui se sait condamné à perpétuité et qui vit, à 63 ans, son vingt-cinquième Noël en prison ?

Posons-nous une simple question : à quoi sert la prison ? Doit-elle punir ? Exercer une vengeance au nom de la société ? - en notre nom ? Doit-elle permettre  un temps de réflexion, de travail sur soi, de formation dans l'espoir d'un changement de vie à la sortie ?

 

La sortie vient parfois tard, trop tard, au temps de la retraite. Pourtant le programme « d'individualisation des peines » permet maintenant de libérer un certain nombre de personnes dont on est assuré qu'elles ne représentent, aujourd'hui, aucun danger pour la société. On sait ce que coûte à l'État, donc au contribuable, chaque journée de prison !

Dans les années 80 (et peut-être avant) des magistrats, des philosophes, des sociologues alertaient sur le caractère criminogène de l'enfermement. On se souvient du titre d'un petit livre de Guy Gilbert, celui qu'on appelait « l'aumônier des loubards », « Des jeunes y entrent, des fauves en sortent ». Sans remonter à Michel Foucault, Thierry Lévy, avocat de longue expérience, écrivait en 2006 « Nos têtes sont plus dures que les murs des prisons », le regretté Albert Jacquard - « Un monde sans prisons » -, tout récemment,  le magistrat Serge Portelli - « La vie après la peine » -  pour ne citer que quelques noms. Tous ont témoigné de l'inutilité voire de la nocivité d'une incarcération, en se déclarant abolitionnistes. De doux rêveurs ? Non. Tous proposent des solutions  dont certaines figurent même dans le C P P  (le Code de Procédure Pénale) mais ne sont que trop rarement retenues. Ce sont les mesures « alternatives à l'emprisonnement ». Elles demandent du personnel d'accompagnement et des mesures éducatives sans doute onéreuses mais surtout plus fructueuses pour éviter les récidives. C'est un souci tellement important pour  les tenants de politiques sécuritaires dont  la réussite n'est pourtant pas évidente.

 

Et cependant  on construit encore des prisons, on condamne à des peines de plus en plus longues, les aménagements de peine,  les libérations conditionnelles ou autres mesures, sont accordés au compte gouttes. La surpopulation reste un mal galopant, surtout dans les Maisons d'arrêt. Au 1er août 2014 on comptait en France 1010 détenus en surnombre pour lesquels on a dû ajouter des matelas au sol. En un an on a compté 12 % d'augmentation parmi une population  pénale de 79 143 personnes à la même date.

Une cellule de prison mesure à peu près 9m² ; on y prévoit couramment 4 couchettes en deux lits superposés ; un matelas supplémentaire tient à peine dans le passage central. L'encellulement individuel est pourtant préconisé dans les textes. On en est loin. Si on pense que dans les maisons d'arrêt se mêlent les personnes nouvellement incarcérées  en attente de jugement à d'autres personnes déjà jugées condamnées à de courtes peines, ou à celles condamnées à de longues années qui attendent une place dans un « établissement pour peine », Centre pénitentiaire, Centre de Détention ou Maison Centrale, on devrait s'inquiéter : que deviennent la dignité, l'humanité, le respect dus à ces personnes qui ont probablement transgressé la loi et que l'on fait vivre dans une promiscuité insupportable pendant des semaines ou des années, enfermées dans ces conditions 23h sur 24 (hors l'heure quotidienne de « promenade ») ?  N'est-ce pas le début de la torture ?  C'est bien  pour cela que la France a été plusieurs fois condamnée  pour des conditions ou des durées inacceptables de détention, parfois plusieurs années avant tout jugement.

 

Nous sommes peu nombreux à nous soucier de ce qui peut se passer derrière les portes des prisons. Pour la plupart des gens elles sont la manière la plus simple, la plus radicale, de neutraliser et d'exclure de la société celles et ceux qui – petitement ou gravement - n'en ont pas respecté les règles. Sans vouloir assombrir nos jours de fêtes il est difficile de parler de prison sans parler de suicide : 10 % de plus parmi les personnes détenues qu'à l'extérieur et parfois à la veille d'une libération, « la vie après la peine » ne paraissant plus possible.  On relève aussi chez les personnels pénitentiaires un nombre élevé de suicides. Comment ne seraient-ils pas traumatisés par ces heures de service dans un monde clos, fait  d'angoisse et de violences physiques et psychologiques ?

 

On ne saurait être exhaustif sur une tel sujet. Faut-il s'arrêter sur la situation des victimes ? Sur  celle des familles des délinquants ou des criminels ? Pour mesurer cet autre aspect des détresses générées par le monde carcéral il suffit de se trouver, un jour de « parloir » aux abords d'une prison. La détresse me semble plus perceptible  devant les maisons d'arrêt. Pour les longues peines soit les familles ont abandonné et on ne les voit plus, soit la durée de la condamnation permet de s'adapter au temps qui passe en espérant au fond de soi quelques remises de peines ou des aménagements avant le terme. En Maison d'arrêt où la plupart n'ont pas encore été jugés c'est l'incertitude qui est mortelle : comment envisager l'avenir sans savoir si elle (ou lui) pourra sortir dans un mois, trois mois, dix ans ou davantage ?

 

Noël et prison, par Hélène Dupont

Ce n'est pas un très joyeux cadeau de Noël que d'aborder en ce moment un tel sujet. Et pourtant cela nous concerne vraiment : notre association PARTENIA 2000  est née d'une exclusion, celle d'un évêque peut-être trop chrétien, trop soucieux de répondre à l'appel lu et entendu dans l’Évangile de Jésus plutôt que soucieux de répondre à la stricte observance de certaines règles ou usages administratifs de son milieu ecclésiastique et clérical. Cet évêque - notre évêque – a choisi de rejoindre au plus près les exclus de la vie, en France et hors de France, les S D F, les sans papiers, les Palestiniens persécutés, les Iraniens en exil ... on le voit aussi auprès des prisonniers. Nous, fidèles ou amis de PARTENIA, nous avons devant nous un champ immense à découvrir dans ces domaines. Nous sommes déjà nombreux à participer à diverses actions pour aider les sans-papiers à constituer leurs dossiers, à faire valoir leurs droits, à accueillir parfois ceux qui se trouvent libérés d'un Centre de Rétention Administrative sans savoir comment rejoindre un centre-ville, sans téléphone ni moyen de transport. Au minimum nous pouvons « crier en silence » notre indignation des traitements subis par les étrangers en participant aux Cercles de Silence : il y en a plus d'une centaine en France (voir la liste sur internet ou écrire à Partenia). Combien d'autres participent aux banques alimentaires, aux services du Secours Populaire, du Secours Catholique, de la Croix Rouge ou autres lieux d'entraide.

 

J'en viens aux prisons : que peut-on faire ? Pour ceux qui sont enfermés et ceux qui attendent dehors. Pour ces derniers quelques services d'accueil sont en place. L'association des visiteurs de prisons A N V P* permet d'aller voir et de suivre régulièrement un ou plusieurs prisonniers ; cela peut durer des années. L'attente pour être agréé est longue et l'âge de 75 ans est la limite autorisée. Il faut donc être candidat plusieurs années plus tôt.

Un service magnifique est proposé aux jeunes étudiants par l'association le G E N E P I* : cette organisation est agréée pour apporter à l'intérieur des prisons un complément d'enseignement ; c'est aussi un contact humain et rafraîchissant qui apporte un rayon de soleil derrière les barreaux en même temps qu'une aide à la formation.

On peut aussi rallier l'association AUXILIA* ou LE COURRIER DE BOVET*. La première donne gratuitement des cours surtout de français, math ou anglais à des détenus ou des précaires ; la deuxième permet d'échanger une correspondance avec des détenus. Ces deux associations ont ceci en commun que le détenu n'a pas l'adresse de celui qui lui écrit. Les courriers, lettres ou devoirs, vont du détenu à l'association, de l'association au correcteur ou correspondant et retour vers le détenu via l'association ... Évidemment on peut préférer le contact direct par lettre ou au parloir. Là encore, il faut solliciter un permis de visite auprès de l'administration mais aucun obstacle n'est infranchissable quand on est patient et déterminé : il suffit de penser à celui qui attend une trop rare visite !

Ce sont là quelques propositions pour que nos jours de fêtes soient aussi des occasions de partage qui peuvent donner sens à nos vies.

 

Hélène Dupont

 

 

 

*Paris vous donnera le contact en province :

Contacts : A N V P  1bis rue Paradis 75010 Paris. <accueil@anvp.org> - tél : 01 55 33 51 25

            Auxilia,  Enseignement à distance 102 rue d' Aguesseau 92100 Boulogne Billancourt  <contact.ead@asso-auxilia.fr> tél : 01 46 04 56 78

            Courrier de Bovet  BP 70039  75721 Paris cedex 15 <secretariat@courrierdebovet.org> tél : 01 40 67 11 98

            G E N E P I  12 rue Charles Fourier 75013 Paris tél : 01 45 88 37 00

            O I P  7 bis rue Riquet 75019 Paris <contact@oip.org>

 

Noël et prison, par Hélène Dupont
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